
Le contentieux du licenciement constitue l'essentiel des dossiers
dont sont saisies les juridictions prud'homales.
En effet, la rupture d'un contrat de travail, sauf ci elle est amiable,
à tendance à cristalliser les tensions entre les anciens
co-contractants. Ces tensions se concrétisent, en général,
par la saisine du Conseil des Prud'hommes qui sera chargé,
à postériori, d'examiner les éléments
en cause et de se prononcer sur la régularité formelle
de la procédure de licenciement, ainsi que sur sa légitimité.
Néanmoins,
devant l'étendue de la question et la particularité
liée à chaque contrat de travail et à chaque
situation factuelle, l'objet de ce petit texte est de donner une vision
simplifiée, applicable au contrat à durée indéterminée,
et permettant d'appréhender facilement un domaine juridique
particulièrement complexe…
Plusieurs formes de licenciement existent, tous avec leurs propres
règles, leurs propres impératifs et leurs propres exigences
formelles.
Les licenciements pour motif personnel
Il convient, à titre
liminaire, de souligner que tout licenciement, qu'il soit pour motif
personnel ou pour motif économique, doit être fondé
sur une cause réelle et sérieuse.
Cette exigence est posée par l'article L 122-14-3 du code du
travail.
Cependant, il n'existe pas de définition précise et
légale du motif réel et sérieux de sorte que
cette notion fondamentale a été progressivement définie
par la jurisprudence. C'est toute la difficulté pratique du
droit social, puisque c'est le juge qui, a posteriori, appréciera
le caractère réel et sérieux du motif invoqué
par l'employeur et formera sa conviction au vu des éléments
qui lui sont fournis par les parties.
Tout est donc affaire de preuve. Même si, en théorie,
la preuve du caractère réel et sérieux n'incombe
pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties,
ce sera en pratique à l'employeur de justifier de sa décision
sur des éléments objectifs.
En effet, en cas de doute, l'article L 122-14-3 al.2 du code du travail
impose que celui-ci doit profiter au salarié…
La lettre de licenciement est l'élément central du contentieux
du licenciement.
Elle fixe de manière définitive les termes du débat.
Tout fait non compris dans la lettre de licenciement, ne saurait être
invoqué devant le Conseil des Prud'hommes pour justifier la
mesure prise. Sa rédaction, et notamment l'énoncé
des motifs du licenciement, a donc une importance capitale.
A défaut de motivation, le licenciement serait immanquablement
qualifié d'abusif par les juridictions Prud'homales.
Par ailleurs,
le licenciement doit être précédé d'un
entretien préalable, obligatoire. La lettre de convocation
à l'entretien doit préciser les modalités de
la tenue de l'entretien (objet de l'entretien, date, heure, jour,
assistance d'un membre du personnel ou d'un conseiller des salariés,
….) Cette lettre de convocation, remise en main propre contre
décharge ou adressée en lettre recommandée avec
accusé de réception, doit parvenir au salarié
dans un délai raisonnable avant la tenue de l'entretien ( au
minimum, 5 jours ouvrables à compter du lendemain de la présentation
du recommandé ou de la remise en main propre contre décharge).
La lettre de licenciement doit également être adressée
en recommandé avec accusé de réception. Elle
ne peut l'être moins d'un jour franc après l'entretien
préalable. C'est le "délai de réflexion"
minimal, imposé par le législateur à l'employeur.
Elle devra, en tout état de cause, être adressée
au maximum dans le mois qui suit l'entretien préalable, en
cas de licenciement pour motif disciplinaire.
Tout licenciement non
justifié par une cause réelle et sérieuse est
sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts
dont le montant varie en fonction de la situation du salarié
(ancienneté, préjudice...) et celle de la société
(effectif notamment).
Le montant de ces dommages et intérêts est fixé
par le juge dans le cadre des dispositions légales.
L'employeur peut également être condamné dans
certains cas au remboursement des allocations de chômage versées
au salarié.
1. Le licenciement pour faute
Bien évidemment, toutes les fautes qui peuvent être commises
dans l'exécution d'un contrat de travail n'ont pas la même
incidence sur la poursuite de ce dernier.
Elles n'ont pas non plus toutes la même gravité et, en
conséquence, les mêmes conséquences en terme de
sanctions.
Si les plus légères, peuvent amener à une sanction
" légère", comme l'avertissement, d'autres,
plus sérieuses, peuvent déboucher sur une sanction réelle,
comme une mise à pied par exemple.
Il est à noter que pour toutes les sanctions autres que le
simple avertissement, et sauf dispositions conventionnelles contraires,
doivent être précédée de la mise en oeuvre
d'une procédure disciplinaire, à peine de nullité.
- La cause réelle et sérieuse
C'est le degré le
plus petit, en terme de gravité de la faute commise ou reprochée.
Ce licenciement, comme tous les licenciements pour un motif personnel,
doit être fondé sur des éléments objectifs
imputables au salarié, à l'exclusion de toute autre
personne.
Par ailleurs, la cause n'est réelle et sérieuse que
si l'employeur est en mesure de faire état de faits précis
justifiant les griefs formulés à l'encontre du salarié.
Il convient également de préciser que ces faits doivent
être datés de moins de deux mois, délai dans lequel
tout fait fautif porté à la connaissance de l'employeur
doit faire l'objet d'une sanction, sauf poursuites pénales…
Les juridictions Prud'homales vérifieront si le motif invoqué
par l'employeur est la véritable raison du licenciement et
non pas un autre motif moins avouable, tel que pourrait l'être
une discrimination ou des faits n'ayant pas de lien avec le contrat
de travail et touchant par exemple la vie privée du salarié…
Le
licenciement pour cause réelle et sérieuse impose à
l'employeur de laisser au salarié le temps d'effectuer sa période
de préavis, ou délai congé, qui varie selon son
statut, son ancienneté ou les dispositions conventionnelles
applicables.
Il convient de préciser que le fait pour l'employeur de dispenser
son salarié d'effectuer sa période de préavis,
ne le dégage pas de son obligation de paiement. Il règlera
ainsi au salarié, mensuellement, pendant toute la période
de préavis, une indemnité compensatrice de préavis.
Le salarié licencié aura également droit au paiement
de ses congés payés, acquis et non pris.
Enfin, le salarié licencié a droit à une indemnité
de licenciement. Cette dernière est définie, soit par
la loi (art. L 122-9 du code du travail), soit par la convention collective
applicable à l'entreprise.
- L'insuffisance professionnelle
Le licenciement pour insuffisance professionnelle est également
un licenciement pour motif réel et sérieux.
Il ouvre droit, pour le salarié, au paiement des mêmes
indemnités.
La seule différence réside dans la motivation de la
lettre de licenciement.
En effet, la lettre de licenciement qui fait état des insuffisances
professionnelles du salarié, de son manque de motivation, de
son attitude négative envers la direction et de ses difficultés
relationnelles avec les praticiens, répond aux exigences de
l'article L122-14-2 du Code du travail, dès lors que ces faits
sont matériellement vérifiables (Cass. soc., 2 févr.
1999).
Ainsi, la mention de l'insuffisance professionnelle constitue un motif
de licenciement matériellement vérifiable qui peut être
précisé et discuté (Cass. soc., 23 mai 2000).
- La faute grave
La faute grave, tout comme le motif
réel et sérieux du licenciement, n'a pas fait l'objet
d'une définition légale précise.
La jurisprudence a cependant défini la faute grave comme la
faute résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable
au salarié constituant une violation des obligations du contrat
de travail ou des relations de travail et qui rend impossible le maintien
du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis
(Cass. soc., 26 févr. 1991) ; (Cass. soc., 16 juin 1998)
Ainsi, la faute grave doit entraîner, dès que l'employeur
a connaissance des agissements fautifs du salarié, son éloignement
immédiat de l'entreprise. En pratique, la faute grave justifiant
une procédure de licenciement, est souvent accompagnée
d'une mesure de mise à pied conservatoire pour la durée
de la procédure de licenciement.
Ainsi, un employeur licenciant un salarié pour faute grave
en le laissant effectuer son préavis se verra sanctionner par
les juridictions prud'homales qui seront amenée à requalifier
le licenciement.
La notion de faute grave implique qu'une faute existe
et présente un certain degré de gravité apprécié
par le juge. La Cour de cassation considère que la faute grave
doit être de nature à rendre incompatible le maintien
de la relation de travail, alors même qu'il ne s'agirait que
d'exécuter la période de préavis.
La faute grave n'est pas nécessairement une faute intentionnelle
(Cass. soc., 4 févr. 1955).
Le fait fautif ne suppose ni un comportement volontaire (Cass. soc.,
5 mars 1987), ni un acte indélicat (Cass. soc., 29 nov. 1984),
ni une intention maligne (Cass. soc., 24 oct. 1989).
Ont ainsi été qualifiés de fautes graves par
les juridictions, des propos diffamatoires et mensongers , des injures
ou des violences commises par le salarié licencié sur
un membre du personnel ou sur la personne de son supérieur
hiérarchique…
La faute grave est privative de l'indemnité compensatrice de
préavis (art. L122-8 al. 1 du code du travail ) et de l'indemnité
de licenciement (art. L 122-9 du code du travail) qu'il s'agisse des
indemnités légales ou conventionnelles.
- La faute lourde
La
faute lourde est au sommet de la hiérarchie des fautes : c'est
la faute la plus importante.
Tout comme les autres évoquées précédemment,
elle n'est pas définie par le Code du travail qui n'en précise
guère que les effets (art. L 223-14 et L 521-1).
Néanmoins la distinction entre la faute grave et la faute lourde
apparaît clairement, puisque la faute lourde doit être
caractérisée par l'intention de nuire.
La Cour de cassation considère que la faute lourde se caractérise
par l'intention de nuire du salarié vis-à-vis de l'employeur
ou de l'entreprise.
L'intention de nuire qui motive le salarié
sera dirigée soit à l'égard du dirigeant même
de l'entreprise, soit à l'égard de la personne morale
employeur.
En tout état de cause la faute lourde ne sera caractérisée,
même en présence d'une intention de nuire, que si l'employeur
a procédé à une rupture immédiate du contrat
de travail, sans préavis.
De même que pour la faute grave, pendant le temps de la procédure
de licenciement, le salarié fait l'objet d'une mise à
pied conservatoire.
Quelques exemples permettent de saisir la notion d'intention de nuire
:
- Le salarié qui détruit les fichiers informatiques
de l'entreprise alors que ses tâches de travail sont exclusives
de l'informatisation et de l'archivage des données
- Salarié qui , pour se venger d'une remontrance verbale de
son employeur, incendie un véhicule appartenant à l'entreprise.
- un VRP ayant tenu au cours d'un congrès professionnel des
propos gravement injurieux à l'égard du directeur général
de la société qui l'employait, dénigré
les produits de cette entreprise et approuvé bruyamment une
proposition de boycott de ces produits présentée par
des tiers.
- Le salarié ayant proféré des menaces de mort
envers son employeur.
La faute lourde est privative de l'indemnité
de licenciement, de préavis légale ou conventionnelle
ainsi que des droits au paiement des congés payés (art.
L 223-14 du code du travail.)
2. Le licenciement pour inaptitude
Licenciement pour cause d'inaptitude médicale
En principe, la maladie suspend le contrat de travail. Cependant,
sa prolongation, sa répétition, ou bien encore l'inaptitude
physique qu'elle a pu causer peuvent conduire au licenciement.
Seul le médecin du travail dont dépend le salarié
est compétent pour fixer l'inaptitude, à l'exclusion
du médecin traitant ou de tout autre médecin, même
spécialiste.
Sous certaines conditions, avec un formalisme particulier et des conditions
imposant une recherche de reclassement du salarié, l'incapacité
constatée et définitive du salarié à son
poste de travail peut conduire à son licenciement.
Les effets seront celui d'un licenciement pour cause réelle
et sérieuse.
Le licenciement économique
Le licenciement économique
est le domaine le plus complexe et celui qui est finalement le plus
réglementé des licenciements.
Le choix de la procédure varie en fonction du nombre de salarié
concerné par la mesure.
Dans tous les cas, la lettre de licenciement
pour motif économique doit mentionner les raisons économiques
prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat
de travail, l'énoncé d'un motif imprécis équivalant
à une absence de motif (Cass. soc., 30 avr. 1997).
Ainsi, ne répond pas aux exigences de l'article L. 122-14-2
du Code du travail, la lettre de licenciement :
- qui invoque une baisse d'activité sans faire référence
aux conséquences de cette situation sur l'emploi du salarié
(Cass. soc., 22 févr. 2000)
- qui se borne à faire état de la suppression d'emploi
(Cass. soc., 27 janv. 1999)
- qui se réfère à la conjoncture économique
qui prévaut actuellement (Cass. soc., 22 juin 1999)
L'énonciation précise du motif économique s'impose
même :
- lorsque les licenciements sont prononcés à la suite
d'un jugement de redressement judiciaire (Cass. soc., 12 janv. 1999)
- en cas de refus d'une modification de son contrat de travail ayant
pour origine un motif économique (Cass. soc., 8 juin 1999)
- en cas de proposition d'une convention de conversion (Cass. soc.,
2 mars 1999).
Comme pour tous les autres cas de licenciement, le motif économique
du licenciement doit présenter un caractère réel
et sérieux, ce qui présuppose que l'employeur a préalablement
exécuté ses obligations d'adaptation ( en respectant
le droit à la formation par exemple) et de reclassement du
salarié.
Les juridictions prud'homales disposent du pouvoir d'apprécier,
à postériori, la preuve du caractère réel
et sérieux de la rupture, au regard des éléments
fournis par l'employeur et des justifications qu'il apporte.
Le licenciement peut avoir plusieurs fondements.
En premier lieu, il peut s'appuyer sur des difficultés économiques
réelles et actuelles, appréciées au regard de
l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe et qui doivent
être invoquées sans esprit de malice.
La cause économique du licenciement peut aussi résulter,
en second lieu, de mutations technologiques importante dans le secteur
d'activité déterminé.
En troisième lieu, la cause économique du licenciement
peut se matérialiser par une cessation d'activité dont
la cause sera examinée par les juges.
Ces causes économiques
visent une situation de difficultés économiques avérées,
actuelles et vérifiables comptablement.
Il est aussi un cas,
admis maintenant par la jurisprudence, où les licenciements
économiques visent à prévenir une difficulté
économique latente, prévisible mais non encore effective.
Dès lors, la cause économique du licenciement résultera
d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde
de la compétitivité de l'entreprise que ne caractérise
pas le simple désir d'augmenter ses profits…
Le motif
économique de licenciement requiert que l'une des causes économiques
citées produise un résultat social, au premier chef
une suppression ou transformation d'emploi effective.
À défaut, la cause économique doit conduire à
proposer au salarié une modification de son contrat de travail,
qu'il a le droit de refuser en s'exposant au licenciement
Sanction du licenciement injustifié
Dans tous les cas, le
Conseil des Prud'hommes, saisi d'une contestation d'une mesure de
licenciement aura tout pouvoir d'examiner les faits à l'origine
de la mesure contestée et de décider de le valider ou
de le sanctionner, s'il estime qu'il avait un caractère abusif
ou que les faits reprochés au salarié ne revêtait
pas le caractère de gravité justifiant le licenciement.
Lorsque
les juridictions Prud'homales décideront qu'une mesure de licenciement
est injustifiée au regard des éléments présentés
par les parties, elles alloueront au salarié des indemnités
réparant le préjudice subi du fait du licenciement injustifié.
Cette indemnité dépend de plusieurs critères
et notamment de la taille de l'entreprise ( effectif) et de l'ancienneté
du salarié licencié.
Lorsque l'entreprise compte plus
de 10 salariés et que le salarié licencié a plus
de deux ans d'ancienneté, les dispositions de l'article L 122-14-4
sont applicables.
Le salarié licencié dans ces conditions, pourra prétendre,
en application de l'article L. 122-14-4, à une indemnité
égale au moins aux six derniers mois de salaire (Cass. soc.,
13 nov. 1996). Il ne s'agit toutefois pas d'une indemnité
forfaitaire, mais d'un minimum, en deçà duquel les juridictions
Prud'homales ne pourront descendre.
Le salaire mensuel doit être évalué en prenant
en considération les primes et avantages en nature éventuels
dont le salarié bénéficiait. La condamnation
Prud'homales s'entend toujours en brut, et pas en net.
S'agissant d'un minimum, les demandes du salarié augmenteront
avec l'ancienneté dont il peut se prévaloir au jour
du licenciement.
Si par contre, l'entreprise compte moins de 10 salariés
et/ou que le salarié licencié a moins de deux ans d'ancienneté,
ce sont les dispositions de l'article L 122-14-5 qui deviennent applicables.
Contrairement
au cas précédent, il n'est pas fait mention ici d'indemnisation
minimale. L'indemnisation du salarié licencié injustement
sera fixée en fonction du préjudice qu'il a subi et
qu'il sera en mesure de justifier devant les juges.
L'indemnité accordée au salarié dépendra
donc du réel préjudice subi, étant observé
que les juges retiennent principalement comme élément
de référence le préjudice matériel consécutif
à la différence de rémunération entre
le salaire antérieur et le montant des allocations de chômage
et la durée de la période sans emploi du salarié.
Il n'y a pas de minimum, mais il n'y a également pas de maximum.
Le juge peut accorder une somme supérieure à 6 mois
de salaire.
Enfin, le salarié aura également la possibilité
de solliciter l'octroi de dommages et intérêts complémentaires
sur le fondement de l'article 1382 du code civil, distincts de ceux
qui peuvent être accordés au titre des articles L. 122-14-4
et L. 122-14-5 du Code du travail.
Pour ce faire, il devra justifier d'un préjudice distinct de
celui résultant du licenciement.
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