Le droit a pour prétention de régler la vie quotidienne
des citoyens et rien de la vie de l’homme ne peut être
étranger au droit qui régit tout. Pourtant, la recherche
du vin dans les codes usuels nous laisse véritablement sur
notre soif. Le vin n’existe pas ou si peu.
Nous pourrions penser que le Code Pénal consacre quelques articles
à l’absorption de ce produit enivrant. Or, si l’état
d’ivresse, plus souvent appelé état alcoolique,
au volant d’un véhicule ou sur la voie publique est effectivement
réprimé, force est de constater que loi ne fait aucune
distinction entre les boissons absorbées pour ne retenir que
le taux d’alcoolémie dans l'air ou dans le sang.
Certes à l’audience, l’automobiliste imprudent
est régulièrement invité à préciser
au juge le détail de sa beuverie. Mais le juge s'intéresse
d'avantage à la quantité qu'à la qualité.
Il ne ressort malheureusement pas de la jurisprudence que le délinquant
bénéficie d’une particulière indulgence
lorsqu’il a cru pouvoir se défendre en avançant
que certes il a bu et trop bu mais du bon que du bon « Un Château
Pétrus, Monsieur le Président, d’un cru exceptionnel
! »
Le Code du Travail, par contre, n’ignore pas complètement
le vin…
Dans le cadre de la réglementation du travail, au chapitre
de l’hygiène, l’article L 232-2 dispose qu’il
« est interdit à toute personne d’introduire
ou de distribuer et à tout chef d’établissement,
directeur, gérant, préposé, contremaître,
chef de chantier et en général, à toute personne
ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser
introduire ou de laisser distribuer dans les établissements
et locaux…, pour être consommées par le personnel,
toutes boissons alcooliques ».
Il convient de protéger l’ouvrier de l’alcoolisme
et d’empêcher le chef d’entreprise de plonger ses
salariés dans les délices de l’ivresse. Il est
d’ailleurs également interdit de laisser entrer ou séjourner
sur le lieu de travail une personne en état d’ivresse.
Mais à toute règle, il y a des exceptions ! Si l’article
précité interdit les boissons alcooliques, il est malgré
tout spécifié « toutes boissons alcooliques
autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel
non additionnés d’alcool » les dites boissons
étant considérées par loi comme étant
des boissons hygiéniques.
Le même chapitre signale que l’employeur ne peut payer
son salarié avec des bouteilles de vin ou d’autres boissons
aux vertus enchanteresses puisque le contrat de travail ne peut comporter
de dispositions prévoyant l’attribution à titre
d’avantage en nature de boissons alcooliques aux salariés
quelque soit la nature du liquide.
Le bon vieux Code Civil, quant à lui, consacre un, mais un
seul, des ses 2.283 articles à notre sujet de prédilection.
L'on trouve, en effet, dans les dispositions de l'article 1587 du
dit code l'explication de ce que nous croyons à tort n'être
qu'un simple usage, une pratique relevant du guide des bonnes manières.
Au restaurant, vous n'acceptez la bouteille de vin commandée
qu'après l'avoir goûtée. Ce "Goûtons
voir si le vin est bon" n'est pas la résurgence d'une
bonne vieille chanson à boire mais la stricte application de
l'article précité qui précise au chapitre "de
la nature et de la forme de la vente" que "A l'égard
du vin, de l'huile et des autres choses que l'on est d'usage de goûter
avant d'en faire l'achat, il n'y a point de vente tant que l'acheteur
ne les a pas goûtées et agréées".
Ainsi, si le vin déçoit, la vente n'est pas conclue,
le vendeur repart avec sa bouteille entamée, sans indemnité
et vous en propose une autre que vous vous ferez un devoir de tester.
Le juriste appelle cela la clause d'agréage.
Levons enfin un tabou sur le magistrat dont la fonction est d’arrêter
la vérité. Bien qu’il soit féru de locution
latine, jamais il ne s’impose la formule « in vino veritas
» pour rendre son jugement.
Certes, juger en état d’ébriété
ne constitue nullement une infraction et le délibéré
étant par nature secret, nul ne sait en réalité
si le juge avant de prendre sa décision en conscience n’ingurgite
un ou deux verres d’excellent vin. Mais faute de preuve et le
doute profitant, même au juge, nous affirmerons solennellement
qu’il ne cherche pas la vérité dans ce breuvage
que nous affectionnons tant.